La permaculture est, selon ses concepteurs* eux-mêmes, une méthode systémique et globale s’inspirant des écosystèmes naturels pour la conception de systèmes de productions durables. Formulée de la sorte, la permaculture devrait donc pouvoir être appliquée à tout système de production ou organisation humaine. Toutefois, pour une raison qui reste à éclaircir, ce concept reste encore largement associé à la seule production agricole et, dans une moindre mesure, à la conception d’habitats ruraux.
Pourtant, en les étudiant de plus près, les principes de conception permaculturelle, reposant à la fois sur une approche empirique et des fondamentaux scientifiques solides, sont suffisamment robustes pour être déclinés avec pertinence à la conception, à quelque échelle que ce soit, de systèmes de production industriels ou tertiaires, ou encore de modèles économiques, voire globalement à toute activité ou tout système conçu, aménagé et géré par l’Homme.
Il semble que nos socles culturels et éducatifs, reposant encore largement sur une approche réductionniste, n’aient pas facilité la pénétration des nouvelles approches systémiques, holistiques et fractales, pourtant plus aptes à décrire les fonctionnements des systèmes vivants, et ce dans des disciplines aussi diverses que la biologie, l’écologie, la psychologie, la sociologie ou même… l’économie. La quête de compétitivité, ce Graal des temps modernes, faisant le reste en favorisant la recherche de résultats rapides en toutes choses, quels qu’en soient le prix à payer et les conséquences à moyen ou long terme.
L’illusion confortable d’un « développement durable » qui ne nécessiterait que des ajustements marginaux aux systèmes de production hérités de la révolution industrielle, et la croyance sans faille dans le fait que le progrès technologique apporterait en temps utile les solutions à tous nos problèmes nous ont, à la fois, détournés d’une nécessaire réflexion lucide sur le sens de l’économie et du développement, et fait passer à coté de formidables opportunités. Il n’est toutefois, fort heureusement, pas trop tard.
Si nous avons aujourd’hui à notre disposition l’ensemble des outils, concepts et méthodes nécessaires, comme le sont par exemple l’économie circulaire, l’économie de fonctionnalité, le biomimétisme, l’économie de la connaissance ou le concept de réinvestissement dans le capital naturel, il nous manque l’essentiel : un cadre conceptuel stratégique cohérent et opérationnel pour passer de la réflexion à l’action, des concepts aux réalisations. Ce cadre stratégique, inspiré des principes de la conception permaculturelle, c’est la permaéconomie.
La permaéconomie ? Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ce nouveau concept ? Le paragraphe qui suit propose à la fois une première définition et une réponse à cette question :
« La permaéconomie est une économie entretenant d’elle même les conditions de sa propre pérennité. Inspirée de la permaculture, dont elle transpose les principes à l’économie en général, elle vise une production de valeur nette positive, compatible avec les limites de la biosphère. Son objectif est de permettre une production de biens et de services rentables et créateurs d’emplois tout en réinvestissant dans les socles fondamentaux que sont les humains, la société et les écosystèmes. A ce titre, elle cherche à éviter tout coût caché et toute externalité négative, et à dépasser la notion de compensation pour aller vers une consolidation, voire si nécessaire une régénération des facteurs de productions pris au sens large. Il s’agit notamment de la compétence, la confiance et l’épanouissement personnel pour ce qui concerne le capital humain ; de la cohésion sociale, du vivre ensemble, de la sécurité et de l’accès aux soins, à l’information et à l’éducation pour ce qui concerne le capital social ; et enfin de la pleine fonctionnalité, de la résilience et de la capacité d’évolution des écosystèmes pour ce qui concerne le capital écologique. En complétant et en articulant l’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, le biomimétisme et l’innovation agile, la permaéconomie offre un cadre éthique et opérationnel, à la fois systémique, c’est à dire mettant l’action sur les liens et les interrelations plutôt que sur les entités, holistique, c’est à dire offrant une vision globale et décloisonnée, et fractal, c’est à dire déclinable à toute échelle, du projet à l’organisation des systèmes de production en passant par celle des territoires. »
Ma conviction est que la permaéconomie, telle qu’elle est ici proposée, est une opportunité à saisir pour tout acteur économique : du porteur de projet à la grande entreprise, en passant par les TPE et PME, mais aussi les territoires et collectivités. Déclinés en outils simples et concret, ses principes** sont de nature à guider toute personne ou organisation, que ce soit dans la phase d’élaboration des projets ou dans leur conduite opérationnelle.
* Les australiens Bill Mollison et David Holmgren.
** La description détaillé des 12 principes est en annexe du livre.